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Actualité

Le CNAPS se dote du droit d’exercer un recours contre... ses propres décisions.

Le Conseil national des activités privées de sécurité n’est décidément pas à cours d’idées originales : après le plaider coupable sans contrepartie, voici que le décret 2014-901 du 18 août 2014 institue la possibilité pour le CNAPS de faire appel… de ses propres décisions !

L’organisation du CNAPS répond à la fois à une volonté de territorialisation et de distinction des services administratifs des commissions interrégionales d’agrément et de contrôle (CIAC), composées de magistrats, fonctionnaires et représentants des professions de la sécurité privée. Schématiquement, si l’instruction relève des services, les décisions appartiennent aux commissions dont la fonction première consiste à statuer sur les demandes de titres et prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre des entreprises exerçant des activités privées de sécurité et de leurs dirigeants.

Ces CIAC, instituées par l’article L633-1 du Code de la sécurité intérieure, globalement dans chaque région de métropole et d’outre-mer, rendent des décisions qui peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Sauf que l’accès au juge administratif est subordonné à l’exercice d’un recours administratif préalable obligatoire, un « RAPO », devant la Commission nationale d’agrément et de contrôle du CNAPS (CNAC).

Jusqu’au décret de 2014, seule la personne morale ou physique frappée soit d’une sanction disciplinaire, soit d’un refus de délivrance de titre, pouvait exercer un recours devant la Commission nationale d’agrément et de contrôle du CNAPS. Or, désormais, et en vertu des dispositions de l’article 27 du décret du 18 août 2014, le directeur du CNAPS dispose de la faculté de « demander le réexamen » de la décision d’une CIAC devant la CNAC et, précise le texte, « y compris en matière disciplinaire ».

Recours contre recours

A dessein ou par omission, les rédacteurs des textes instituant le CNAPS n’avaient pas prévu la possibilité pour celui-ci d’exercer un recours contres les décisions des CIAC. Seul l’intéressé disposait de la capacité de contester une décision des CIAC devant la CNAC. Mais la réalité procédurale a opéré une mutation et ce que le texte présentait comme une possibilité est devenu un préalable obligatoire à la saisine du juge administratif.

Privée de cette possibilité de recours, l’administration ne pouvait pas demander l’aggravation de la sanction, conformément à ce principe du droit disciplinaire qui veut qu’une décision prise en première instance ne puisse être aggravée par le juge d’appel saisi du seul appel de la personne frappée par la sanction. Le Conseil d’Etat l’a d’ailleurs rappelé dans un arrêt récent pour une autorité disciplinaire : « Considérant qu’il résulte des principes généraux du droit disciplinaire qu’une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d’appel saisi du seul recours de la personne frappée par la sanction ». En conséquence, en l’absence de saisine d’une autorité administrative, la Commission nationale d’agrément et de contrôle ne pouvait aggraver la sanction.

L’entreprise et/ou son dirigeant sanctionné par une CIAC, en première instance, avait donc tout intérêt à exercer un recours devant la CNAC pour la double raison que la sanction ne pouvait être aggravée et que ce recours lui ouvrait l’accès au juge administratif.

La menace fantôme

Certaines évolutions textuelles sont justifiées par leur mise en œuvre dans le temps. Le CNAPS, institution récente, a donc considéré, à l’usage, que l’égalité avec le demandeur était indispensable et il lui est apparu nécessaire qu’il puisse être requérant initial ou incident suite à une décision prise par une CIAC.

Le texte une fois de plus n’est pas d’une grande clarté. Il semble, à sa lecture et en l’absence de précisions, que le directeur du CNAPS puisse exercer un recours devant la CNAC, alors même que l’intéressé y aurait renoncé, avec comme objectif de réformer une décision de police administrative et obtenir une peine plus sévère ou – pourquoi pas ? – la relaxe dans un contexte disciplinaire.

Ce qui est frappant dans la rédaction de l’article 27, c’est cette précision que le directeur peut demander le réexamen d’une décision prise « y compris en matière disciplinaire ». Ce qui suppose qu’en première intention, le texte vise surtout le réexamen des décisions relatives à la délivrance de titres.

En police administrative, les enjeux d’un recours par le directeur ne sont pas immédiatement perceptibles. Dans la mesure où ce sont les services qui, par délégation du directeur, effectuent un tri entre ce qui ressort d’une décision automatique d’acceptation et ce qui est communiqué pour décision à la CIAC, toute contestation du directeur serait un désaveu de l’action de ses services.

Le directeur pourrait éventuellement saisir la CNAC d’une demande de délivrance d’un titre refusé par une CIAC, mais quel en serait l’intérêt puisque le demandeur ne manquerait pas d’exercer un tel recours à cette même fin ? Sauf exception, un appel suppose l’existence de deux parties aux intérêts divergents. Le recours incident n’aurait pas davantage de sens, puisque la CIAC ayant rendu une décision de rejet, la CNAC la confirmerait ou l’infirmerait sans que l’intervention du directeur ne soit nécessaire. Le risque de pré-jugement serait dans l’hypothèse inverse, particulièrement important. Et puis, simplement, en 2013, les CIAC avaient rendu 87 500 décisions en police administrative. Le directeur va-t-il toutes les examiner pour décider qu’un réexamen s’impose ?

En réalité, et même s’il cela apparaît comme secondaire dans le texte, ce sont bien les décisions disciplinaires (345 en 2013) qui constitueront le champ d’application de l’article 27.

En matière disciplinaire, le directeur pourrait avoir l’initiative du recours, dans le cadre d’une « relaxe » ou d’un quantum qu’il jugerait trop faible. Il pourrait aussi exercer un « contre-recours », sorte d’appel incident. Ces deux hypothèses poursuivent en réalité des objectifs différents : un recours initial traduirait sans doute l’insatisfaction du directeur du CNAPS face à la sanction rendue par la CIAC, et sa demande pourrait conclure à une sanction plus légère, du moins en théorie. Un recours incident, en revanche, viserait nécessairement à aggraver la sanction initiale et, à ce titre, devrait jouer un rôle dissuasif auprès de la personne sanctionnée. La menace d’une aggravation de la décision pourrait en effet réfréner les désirs de justice du sanctionné.

C’est bien en matière disciplinaire que la capacité de recours semble prendre tout son sens, car elle permet au CNAPS de faire d’une menace de répression une arme de dissuasion.

Mais, une fois encore, cette menace ne tient pas face à la réalité procédurale. L’accès au juge administratif n’est possible qu’après un recours préalable obligatoire devant la CNAC. En conséquence, peu importe que la sanction puisse être aggravée : l’intéressé, s’il souhaite l’arbitrage du juge administratif, doit obligatoirement exercer un recours devant la CNAC.

Le recours tourne court

Une circulaire du ministère de l’intérieur de 2011, relative à l’installation du Conseil national des activités privées de sécurité, explicitant le décret 2011-1919 du 23 décembre 2011, définit le CNAPS comme un établissement public chargé d’une mission de police administrative et d’une mission disciplinaire. Le texte confie ces missions au CNAPS et non à des satellites, entités indépendantes et autonomes. Les CIAC et la CNAC sont identifiées par cette circulaire comme des composantes du CNAPS. Les CIAC ne sont pas indépendantes, elles ne sont pas personnalisées juridiquement. Elles sont une partie du tout que forme cet établissement public. Elles en sont le bras armé et toutes leurs décisions sont prises au nom du CNAPS (art. L633-1 CSI).

La CNAC, quant à elle, est une formation spécialisée du Collège du CNAPS qui, lui même, administre le CNAPS (art. L632-2 CSI). Quant au directeur du CNAPS, il assure la gestion administrative et budgétaire de l’établissement. En matière disciplinaire, il est une composante du CNAPS, tout comme le sont les CIAC. Il ne joue pas le rôle d’un parquetier, puisqu’il encadre les services qui instruisent les dossiers et ceux qui rapportent devant les CIAC, aux fins de sanction disciplinaire.
En police administrative, les services présents dans chacune des délégations territoriales, transmettent à chaque CIAC et par délégation du directeur du CNAPS, les propositions de refus de délivrance de titres et les dossiers litigieux, susceptibles de recevoir un refus ou un accord.

Difficile dès lors de comprendre comment le directeur du CNAPS pourrait contester les décisions prises au nom du CNAPS, par une entité interne au CNAPS, après instruction des services du CNAPS, dont il est lui-même le supérieur hiérarchique. Cela reviendrait à admettre que le CNAPS puisse contester ses propres décisions.
Peut-on imaginer le juge correctionnel contester sa propre décision devant le juge d’appel ?

Au final, et pour résumer, le CNAPS pourra désormais exercer un recours contre ses propres décisions et devant sa propre instance de recours.

Une fois encore, ce texte est rédigé dans la précipitation, avec toujours en filigrane un objectif de rationalisation des ressources et des moyens. Il vise à réduire le nombre des procédures par la menace d’une répression plus forte. Il ne produira bien évidemment pas les effets escomptés. La procédure de recours obligatoire avant saisine du juge administratif contraint les personnes sanctionnées à exercer ce recours, quand bien même le « contre-recours » du directeur laisserait planer la menace d’une aggravation de la sanction. Il sera également intéressant d’observer comment le rapporteur devant la CNAC rédigera son rapport, rapport par principe neutre et objectif, s’il doit y inclure une aggravation de la sanction rendue en première instance, dans la mesure où les manquements relevés à l’encontre d’une entreprise et/ou de son dirigeant sont figés par la décision contestée. Autrement dit, l’appel du directeur ne pourra se fonder sur plus de manquements que ceux retenus en première instance.

Et puis, plus simplement, que renverrait comme image du fonctionnement interne d’une institution le fait pour son directeur de contester les décisions prises au nom de l’institution qu’il dirige ?


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