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Actualité

«Debout-payé»: le livre évènement de la rentrée.

Pourquoi, à Paris, tous les ADS, appelés le plus souvent vigiles, sont noirs? «Les noirs sont costauds, les noirs font peur», c’est «le ramassis de clichés du bon sauvage qui sommeillent dans chacun des blancs chargés du recrutement, et dans chacun des noirs venus exploiter ces clichés en sa faveur», répond Armand Patrick Gbaka-Prédé ou "Gauz", le surnom qu'il s'est choisi, donnant dès les premières pages le ton de ce premier roman caustique qui n’épargne personne. Des théories et des théorèmes parfois cruels, souvent drôles, Debout-payé paru le 28 août, déjà réimprimé trois fois, s'est écoulé à 20.000 exemplaires et a fait le buzz à la rentrée.

Un « vigile », ou un «debout-payé», dans le langage populaire abidjanais. Payé pour rester debout et répéter chaque jour «cet ennuyeux exploit de l’ennui». A 23 ans, pourtant bien installé comme prof de Sciences Naturelles à Abidjan, Ossiri a mis le cap sur la France pour se retrouver, à son arrivée, flanqué de l'attirail pantalon-veste-cravate noir, aux portes des magasins de la ville. Deux, en particulier, dont il nous raconte l’envers: le Camaïeu de Bastille et le Sephora des Champs-Elysées.  

Il faut bien le tromper, cet ennui. A travers la voix d'Ossiri - le roman est très autobiographique - Gauz observe et décortique tout. Au Camaïeu, les habituées qui viennent chaque jour, les familles qui refusent les sacs «Sales», traduction de Soldes portant à confusion, les bébés que «le vigile adore, peut-être parce que les bébés ne volent pas». Les «trop mignon ce pti haut», les «120 horreurs sonores» diffusées à la radio en six heures de vacation.

Au Sephora des Champs-Elysées, ces nombreuses «WIB» (Women in Black), femmes voilées qui «se maquillent sous cloche» ou cette femme, sosie d’Amy Winehouse «au point que le vigile se demande si au lieu de tester les parfums sur sa peau, elle ne va pas plutôt les ouvrir pour les boire». 

Invisible aux yeux des clients, Ossiri imagine, labellise, théorise. L’axiome de Camaïeu («un client qui n’a pas de sac est un client qui ne volera pas»), la théorie du «PSG» qui lie entre elles les expressions «Pigmentation de la peau», «Situation sociale», et «Géographie». Quand sonne le portique, Gauz divise les nationalités: le Français regarde dans tous les sens, le Brésilien lève les mains en l’air, l’Américain fonce vers l’ADS sourire aux lèvres. 

C'est drôle, parfois cruel, poétique, presque anthropologique. Gauz pointe les décalages, les ironies d'un monde où l’ADS réalise qu'en fait, son travail «contribue à la richesse de Bernard (Arnault) et Liliane (Bettencourt)». 

A ces saynètes qui ciblent nos travers et nos absurdités de consommateurs, Gauz mêle le récit d’Ossiri et ceux d’André et Ferdinand, vigiles avant lui. Trois générations de debout-payés comme les trois âges de l’immigration ivoirienne à Paris, de l’époque où n’existait pas encore la carte de séjour à celle de la parano généralisée post-11 septembre. 

Comme Ossiri, Gauz fut donc vigile, entre mille autres petits boulots cités en fin de roman. De son vrai nom Armand Patrick Gbaka-Brédé, Gauz est diplômé en biochimie, photographe, documentariste, directeur d'un journal économique satirique en Côte d'Ivoire. Et désormais écrivain. 

Debout-payé, de Gauz, paru le 28 août aux éditions du Nouvel Attila, 168 pages, 17 euros.

Sources :

http://culturebox.francetvinfo.fr/

http://www.20minutes.fr/